Des fourmis, suite et rectificatif, « Trust Me, I’m An Artist’, journal de bord n°12

Leonardo/Olats est partenaire du projet européen Trust Me, I’m An Artist. Dans ce cadre, je tiens un « Journal de Bord » avec des compte-rendus des réunions et des rencontres, mais aussi mes réflexions, lectures et interrogations.

 

* Des fourmis, suite et rectificatif

Jeudi 18 février 2016

Suite à l’article que j’avais écrit sur les bonsais et les fourmis, j’ai reçu un mail de Joshua Portway, auteur avec Lise Autogena, de l’œuvre sur la spirale mortelle des fourmis.

Il m’indique (en ayant fait l’effort de m’écrire en français) qu’il s’agit en fait d’un montage et qu’aucune fourmi n’a été sacrifiée pour cette œuvre.

Voici ses informations (j’ai corrigé les fautes) : « La vidéo des fourmis dans l’installation est en fait à l’aide de l’infographie (si vous regardez attentivement la vidéo ici: https://vimeo.com/145829065 vous pouvez voir les marqueurs sur les murs et le sol qui sont utilisés dans la fabrication de l’animation ).

Les fourmis sur le sol sont achetées auprès de fournisseurs d’aliments pour animaux et sont généralement vendues comme nourriture pour reptiles – après l’exposition, il est demandé de donner les fourmis restant à un zoo ou à une animalerie locale afin qu’ells ne soient pas gaspillées ».

Il ajoute : « Bien qu’il soit prévu que le travail doit avoir le potentiel d’être perçu comme une manipulation cruelle des fourmis, les préposés à l’exposition sont invités à expliquer la vérité à quiconque le demande, ou qui a l’air très perturbé ».

Dont acte et toutes mes excuses. Je n’ai pas été suffisamment attentive et je me suis laissée piéger par la vidéo qui, ceci dit, est faite pour cela. Il ne m’est pas venue à l’esprit de questionner les médiateurs et je me demande combien de gens le font.

La vérité me laisse tout aussi perplexe, en tout cas soulève d’autres questions : pourquoi vouloir faire croire que la création de cette œuvre a pu impliquer un traitement barbare pour les fourmis ? pourquoi avoir à demander nécessairement des explications aux médiateurs ? pourquoi ne pas mettre un indice plus « évident » permettant au public de trouver la vérité par lui-même ?

Finalement, que l’on se laisse prendre ou non, cette œuvre est réellement captivante et déstabilisante.

 

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Des fourmis et des bonsaïs, « Trust Me, I’m an Artist », journal de bord n°11

Leonardo/Olats est partenaire du projet européen Trust Me, I’m An Artist. Dans ce cadre, je tiens un « Journal de Bord » avec des compte-rendus des réunions et des rencontres, mais aussi mes réflexions, lectures et interrogations.

* Des fourmis et des bonsaïs (mardi 26 janvier 2016)

Une vidéo virale sur Facebook aujourd’hui.

Elle montre des bonsaïs flottants et tournoyants au dessus d’un socle, comme en lévitation. Présenté comme une innovation empreinte de poésie et propice à la méditation et la paix intérieure, le projet est en appel à financement participatif.

air-bonsai

Les commentaires sont enthousiastes et émerveillés. Personne, du moins dans ce que j’ai lu, ne souligne la brutalité du procédé. Outre le fait qu’il s’agit banalement d’une technique d’aimants et que les bonsaïs sont déjà des plantes malmenées, on ne voit pas bien en quoi les perturber ainsi peut apporter à notre sérénité.

La manipulation des plantes, comme l’a souligné Spela Petric, ne soulève que peu de questions d’éthique. Il semble qu’il en soit de même pour les fourmis. Dans l’exposition Exo-evolution du ZKM une œuvre m’a, à cet égard, particulièrement frappée. De loin, l’on voit un cercle brun au sol, comme de la terre. Intrigué(e), on s’approche pour découvrir qu’il s’agit de fourmis, mortes. Une vidéo explique le phénomène. Les fourmis, et plus particulièrement les fourmis légionnaires, ont des comportements aberrants connus sous le nom de « spirale de la mort » ou « vortex de la fourmi ».

"Untitled (Superorganism)", Lise Autogena et Joshua Portway, 2014. Photo A. Bureaud

« Untitled (Superorganism) », Lise Autogena et Joshua Portway, 2014. Photo A. Bureaud

Les fourmis, qui retrouvent normalement leur chemin en suivant la trace des phéromones laissées par celles qui les précédent, parfois « croisent leurs traces » créant ainsi un cercle qui ne fait que se renforcer. Elles finissent par mourir d’épuisement. La vidéo montre l’action-performance qui a consisté à forcer les fourmis à se mettre ainsi dans ce comportement mortel par un renforcement de phéromones. Untitled (Superorganism), 2014 de Lise Autogena et Joshua Portway est une œuvre qui m’a particulièrement troublée. Je n’en ai vu, et n’en voit toujours pas, le fondement artistique, esthétique, ou politique. Mais je dois admettre qu’elle recèle une puissante capacité d’attraction et de fascination.

 

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2016 : de l’autre côté du fleuve

Voeux2016

Une très belle année 2016 à tous ! 

A Wonderful Year 2016 to All!

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« Molding the Signifier », Ivor Diosi – Trust Me, I’m An Artist

Installation artistique ou simulation d’expérience scientifique ?

Alors que je partais pour Prague, pour le troisième événement du projet Trust Me, I’m An Artist, la police donnait l’assaut dans un appartement de Saint-Denis où se tenaient des terroristes ayant participé aux attentats du 13 novembre à Paris.

Au moment où les comportements et instincts primaires, individuels et collectifs, dominent l’espace public dans lequel je vis, où la question de « l’Autre » est plus que jamais essentielle, je suis d’autant plus curieuse de voir Molding the Signifier d’Ivor Diosi qui met en jeu une intelligence artificielle ainsi que d’assister à la discussion qui va suivre.

L’œuvre est présentée par CIANT à Ex Post qui, comme son nom l’indique, est un ancien bureau postal du centre ville converti en centre d’art. Molding the Signifier n’est pas aisée à décrire brièvement, il faut y associer ce que l’on voit, son fonctionnement et les différentes couches de contenus et de questions qu’elle tisse.

Les créatures virtuelles de Molding the Signifier d'Ivor Diosi, que présente Ondrej Cakl de CIANT, à la Galerie Ex Post, Prague, 19 novembre 2015

Les créatures virtuelles de « Molding the Signifier » d’Ivor Diosi, que présente Ondrej Cakl de CIANT, à la Galerie Ex Post, Prague, 19 novembre 2015

 

Commençons par ce que l’on voit. Molding the Signifier se compose de trois éléments principaux : sur le mur, la projection vidéo de trois visages lisses et d’une parfaite beauté froide d’un personnage de synthèse féminin qui disent le texte de Ferdinand de Saussure sur le signifiant ; sur une table, une culture de moisissure dans un cadre de scanner ; enfin, un système de captation des données de la moisissure qui vont interférer avec les créatures virtuelles. Progressivement, le visage de ces dernières va perdre de sa cohérence (yeux qui partent dans le vague, bouches qui se distordent, etc.) et l’articulation du discours se déliter jusqu’à devenir incompréhensible.

Les visages sont, dans les faits, une illustration de l’algorithme. Repris d’un personnage de jeu vidéo, ils convoquent le cliché de la représentation des intelligences artificielles dans la culture populaire aussi bien du jeu vidéo que de la science fiction, notamment au cinéma. Les données recueillies à partir de la culture de moisissure (donc du vivant biologique) interfèrent avec le programme informatique, avec le « système cognitif » de l’intelligence artificielle, au point d’engendrer sa dégradation qui se manifeste par des signes et des comportements que nous interprétons comme ceux d’une maladie mentale.

 

L'artiste Ivor Diosi à côté de la culture de moisissure de "Molding the Signifier", Galerie Ex Post, Prague, 19 novembre 2015

L’artiste Ivor Diosi à côté de la culture de moisissure de « Molding the Signifier », Galerie Ex Post, Prague, 19 novembre 2015

La culture de moisissure de "Molding the Signifier" d'Ivor Diosi, Galerie Ex Post, Prague, 19 novembre 2015

La culture de moisissure de « Molding the Signifier » d’Ivor Diosi, Galerie Ex Post, Prague, 19 novembre 2015

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il va de soi que dans cette œuvre, ni les bactéries et les organismes composant la moisissure, ni les bits informatiques ou les polygones des visages ne sont « maltraités » et rien ne menace, a priori, le franchissement d’une quelconque limite. Molding the Signifier relève donc de ce que l’on peut qualifier d’éthique spéculative.

La discussion des membres du comité d’éthique* entre eux puis avec l’artiste et la salle fut particulièrement riche, dense et complexe, à l’aune de l’œuvre et de son ambiguïté intrinsèque entre futur potentiel et métaphore du présent, entre installation artistique et simulation scientifique.

De prime abord, Modling the Signifier explore un futur potentiel qui verrait l’émergence d’une nouvelle forme de vivant non biologique, de surcroit doté d’une conscience, et que nous aurions créée de toute pièce. Quels seraient nos droits et devoirs à son égard ? De « vraies » intelligences artificielles, conscientes (et souffrantes ?) sont encore (pour combien de temps ?) hypothétiques mais il fut souligné que, pour une fois, cela nous laissait l’opportunité de soulever et de débattre des problèmes et des questions avant d’y être confrontés plutôt que de réparer des dégâts ou de statuer dans l’urgence a posteriori. En fait, cela révéla Molding the Signifier comme métaphore du présent.

Au regard de l’éthique, comment s’établit la dialectique entre conscience et souffrance ? Nous ne reconnaissons pas (ou pas encore) de conscience aux animaux et c’est au nom de la souffrance qu’ils ressentent que nous posons des règles éthiques. Mais nous ne pourrions pas « mal traiter » des êtres humains qui, atteints d’analgésie congénitale, ne ressentent pas la douleur. Et nos règles deviennent plus lâches pour les êtres que nous considérons comme ni conscients ni capables de douleur (plantes, micro-organismes).

Par ailleurs, Molding the Signifier met en lumière la difficulté de définir l’humain. Si, à une certaine échelle, l’être individuel et unique reste évident et central, il apparaît de plus en plus comme un ensemble hétérogène, une sorte de « société » constituée d’éléments humains mais aussi de non humains dont ces bactéries qui composent notre microbiome. Celles-ci ont leurs propres buts et finalités qui peuvent avoir un impact positif ou négatif non seulement sur notre bien être physique mais également sur notre système intellectuel et cognitif, sur notre conscience, de nous et du monde. La recherche médicale confirme que des bactéries et des virus externes mais aussi internes sont à l’origine, ou à tout le moins partie prenante, de certaines maladies mentales et/ou dégénératives, et engendrent un dysfonctionnement de notre système cognitif.

Des données sur l’activité de bactéries qui perturbent un cerveau artificiel : Molding the Signifier se révèle comme la simulation d’une expérience scientifique pour comprendre les mécanismes exogènes des maladies mentales et de la folie. Dans un retournement, l’éthique spéculative devient concrète et l’œuvre acquiert une autre dimension, ainsi que l’explicita Bobbie Farsides. Il suffirait d’un autre contexte et d’autres moyens (dans un laboratoire) pour qu’elle puisse devenir aussi une expérience réelle. À regarder l’image perdre sa couleur, le visage de synthèse sa perfection et se déformer, me vint à l’esprit ces photographies de femmes hystériques prises par Charcot mais aussi que le manquement à l’éthique en matière de psychiatrie n’eut rien à envier à celui de la médecine des corps, et les femmes y furent souvent en première ligne.

Le comité d'éthique pour la rencontre "Trust Me, I'm An Artist" à Prague, novembre 2015. De gauche à droite : Ondrej Cakl, Anna Dumitriu, Bobbie Farsides, Lucas Evers, Claudia Lastra et Ivor Diosi. (photo : Louise Whiteley)

Le comité d’éthique pour la rencontre « Trust Me, I’m An Artist » à Prague, novembre 2015. De gauche à droite : Ondrej Cakl, Anna Dumitriu, Bobbie Farsides, Lucas Evers, Claudia Lastra et Ivor Diosi. (photo : Louise Whiteley)

 

La discussion permit de déplier les différentes couches de sens et de discours véhiculés par Molding the Signifier, quelquefois bien au-delà de l’intention initiale de l’artiste et suscita une question inattendue : le fait que l’œuvre puisse être considérée aussi comme simulation scientifique et, ainsi, entrer dans un cadre plus balisé au regard de l’éthique, modifie t-il la façon dont elle est perçue et évaluée en tant qu’œuvre, d’un point de vue esthétique ? Pour ma part, je ne le pense pas. Mais peut-être est-ce parce que j’ai l’habitude de voir des œuvres qui peuvent être « lues » différemment selon le contexte. Le plus ancien exemple qui me vienne en mémoire sont les créations à base d’algorithmes génétiques de Karl Sims, couronnées d’un Prix Ars Electronica en tant qu’art et présentées comme recherche informatique à SIGGRAPH.

En rentrant à Paris je me faisais cependant la réflexion que le projet Trust Me, I’m An Artist avait un impact sur la façon dont j’abordais ces œuvres. D’ordinaire, la question éthique peut surgir, bien sûr, quand je vois ou que j’expérimente une œuvre mais elle n’est jamais première ou préalable comme c’est le cas ici. Et il est évident que cela conditionne et influence ma perception et mon jugement. Mais peut-être pas plus que d’avoir à préparer à l’avance les podcasts et donc de me documenter en amont sur les œuvres. Question en suspend.

* Le comité d’éthique était composé de Bobbie Farsides (professeure d’éthique biomédicale et clinique à l’école de médecine de Brighton et du Sussex, Royaume-Uni), Anna Dumitriu (artiste, Brighton, Royaume-Uni), Lucas Evers (De Waag Society, Amsterdam, Pays-Bas), Claudia Lastra (Arts Catalyst, Londres, Royaume-Uni) et modéré par Ondrej Cakl (CIANT, Prague, République Tchèque).

 

Le projet « Trust Me, I’m An Artist » a été soutenu par le programme Creative Europe de l’Union Européenne.

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L’installation « Particle Falls » d’Andrea Polli présentée à Paris

"Particle Falls", Andrea Polli, Paris 2015

« Particle Falls », Andrea Polli, Paris 2015

"Particle Falls", Andrea Polli, Paris 2015

« Particle Falls », Andrea Polli, Paris 2015

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Particle Falls est une installation d’Andrea Polli qui mesure le taux de particules fines dans l’atmosphère et en donne une visualisation sous forme d’une cascade bleue quand l’air est pur, qui se transforme en boule de feu quand celui-ci est pollué.

Présentée du 6 novembre au 13 décembre 2015 par le Mona Bismark American Center for Art and Culture (34 avenue de New York) à Paris dans le cadre du programme artistique lié à la COP21, j’en ai vu une avant-première hier au soir lors des derniers tests de montage. Ma rhinite allergique chronique se portait bien pendant que la Maire de Paris et la Ministre de l’Environnement s’affrontaient une nouvelle fois pour savoir s’il fallait mettre en place la circulation alternée dans la ville.

Au pied du Palais de Tokyo et face à la Tour Eiffel de l’autre côté de la Seine, l’installation d’Andrea Polli dans sa spectaculaire et implacable beauté donne raison à mes poumons.

 

 

 

 

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Trust Me, I’m An Artist – Journal de Bord n°2

Leonardo/Olats est partenaire du projet européen Trust Me, I’m An Artist. Dans ce cadre, je tiens un « Journal de Bord » avec des compte-rendus des réunions et des rencontres, mais aussi mes réflexions, lectures et interrogations.

Voici l’article que j’ai écrit sur le second événement qui s’est tenu à Ljubljana les 10 et 11 septembre 2015, la performance de Spela Petric.

Regarder l’herbe pousser

Ce jeudi 10 septembre, à peine arrivée à Ljubljana et bagage déposé à l’hôtel, je me précipite à la Galerie Kapelica [http://www.kapelica.org/index_en.html] pour voir le début de la performance Confronting Vegetal Otherness: Skotopoiesis de Spela Petric [http://www.spelapetric.org/portfolio/skotopoiesis/] qui a déjà commencée. La performance dure 12 heures le premier jour et 7 heures le second. J’ai décidé de faire des « prélèvements performatifs », c’est-à-dire de venir à différents moments pour tenter de percevoir les variations et l’évolution.

La galerie est plongée dans l’obscurité à l’exception de la scène de la performance. Spela Petric, vêtue d’une chasuble blanche se tient debout, légèrement soutenue par un support métallique qui fait penser à un tuteur pour plantes et au sommet duquel est posé une caméra. Devant elle, au sol, un grand rectangle blanc ensemencé de cresson qui commence à germer. L’ombre de la femme est projetée sur l’écran végétal. Dans deux jours, le cresson révèlera cette empreinte : chétif et pâle sous l’image du corps humain, vert vif et vigoureux autour.

Spela Petric "Confronting Vegetal Otherness: Skotopoeisis" 10 septembre 2015

Spela Petric
« Confronting Vegetal Otherness: Skotopoeisis »
10 septembre 2015

Le propos de l’artiste, dans ce qui est une première étape d’un projet au long cours, est multiple. Deux points ressortent : d’une part ce qu’elle nomme « l’intercognition » ou la relation avec cet autre vivant si radicalement étranger et d’autre part la quasi indifférence éthique à l’utilisation des plantes.

Lors du débat* qui suivi, Rüdiger Trojok fit remarquer que n’importe quel objet mis à la place de Spela aurait pu faire l’affaire, autrement dit que le cresson prenait en compte la zone d’ombre pour orienter sa croissance mais sans discriminer l’humain en tant que tel comme en étant la source. Ce « devenir objet » de l’artiste fut également souligné par Aljosa Kolenc. Y a t-il intercognition possible si pour atteindre l’Autre je dois abandonner l’essence même de ce que je suis ? Où se trouve le « moyen terme », cette zone commune où l’échange devient possible ? À l’échelle physico-chimique, moléculaire, cellulaire ? Mais à cette échelle là, tout ce qui existe est interconnecté. Monika Bakke rappela que c’est dans l’inhumation que notre relation aux plantes atteint sa fusion ultime : nous mangeons les plantes et elles nous recyclent. À cet égard le projet Transplant Biopresence de Shiho Fukuhara et Georg Tremmel [http://www.trembl.org/alumni/01-03/transplant.html] qui propose d’insérer l’ADN d’une personne défunte dans celui d’un arbre est particulièrement intéressant.

D’un point de vue esthétique, ce qui m’a frappé dans cette performance est une certaine dramaturgie religieuse (l’éclairage, le vêtement porté par l’artiste) et, précisément, funéraire : le rectangle végétal évoquant celui d’une tombe et l’ombre portée, la disparition de l’être ; solennité désamorcée par le fait que l’artiste, loin d’être dans un recueillement méditatif, conversait avec les personnes présentes. Les « prélèvements performatifs » ne furent pas concluants, rien ne semblait distinguer un moment d’un autre. Mais ce qui fut également frappant est la rapidité avec laquelle l’empreinte humaine s’effaçait une fois la performance finie, le cresson reverdissant quasi à vue d’œil. L’instant « d’après », comme le silence en musique ou le blanc dans la page, semble bien être une clé pour la performance, tout aussi important que celle-ci.

 

Spela Petric "Confronting Vegetal Otherness: Skotopoeisis" 11 septembre 2015

Spela Petric
« Confronting Vegetal Otherness: Skotopoeisis »
11 septembre 2015

 

Tout le monde s’accorda pour dire que c’est bien nous autres humains qui étions la cible de la performance de Spela Petric plus que le cresson lui-même. Et c’est sans doute là que réside l’interrogation éthique, dans ce temps pris à regarder l’herbe pousser

* Les membres du comité d’éthique réuni dans la discussion étaient : Monika Bakke, philosophe, spécialiste des relations art-science et notamment de la relation plantes-humains ; Aljosa Kolenc, philosophe et psychanalyste ; Michael Marder, philosophe, spécialiste d’une approche de l’éthique des plantes et Rüdiger Trojok, biologiste, engagé dans une approche citoyenne des sciences et le courant DIY.

Le projet « Trust Me, I’m An Artist » a été soutenu par le programme Creative Europe de l’Union Européenne.

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« Art Transition », CAVS, 1990

Nam June Paik, Otto Piene and Charlotte Moorman
Charlotte Moorman, Nam June Paik, Performance

I took those pictures at Art Transition, CAVS /Center for Visual Advanced Studies, MIT, 1990, a major conference and event organised by Otto Piene.

I remember every single moment of this performance, still goose bumps on my arms. Moorman and Paik in a performance they had created years before.

The three of them were immense artists and human beings. Thankful memory.

Nam June Paik, Otto Piene, Charlotte Moorman, "Art Transition", CAVS, 1990 - Photo A. Bureaud

Nam June Paik, Otto Piene, Charlotte Moorman, « Art Transition », CAVS, 1990 – Photo A. Bureaud

 

Performance at "Art Transition", CAVS, 1990 - Photo A. Bureaud

Charlotte Moorman & Nam June Paik, Performance at « Art Transition », CAVS, 1990 – Photo A. Bureaud

 

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Histoires de drones … (épisode 1)

Quelques informations-réflexions, en vrac, sur les drones, qui (si tout va bien) se poursuivront au fil de mes lectures, recherches et rencontres.

Teresa Castro est la blogueuse invitée du Magazine du Jeu de Paume en cet été 2015. Son blog s’intitule « Drones d’idées ». Elle y indique qu’il ne portera pas spécifiquement sur les drones mais sur « l’animisme des images et de quelques autres êtres techniques ».

Elle y chronique notamment l’exposition « Le Paradis et l’Enfer. Des tapis volants aux drones » qui se tient jusqu’au 6 septembre 2015 à Bruxelles.

J’avoue que le rapprochement tapis volants – drones m’intrigue. J’associais les premiers plus au rêve de vol et les seconds à la possibilité de l’ubiquité, d’une présence et d’une action à distance (téléprésence) dans ce corps de substitution qu’est la machine.

Le site web de l’exposition indique « Des physiciens se seraient même lancés dans des recherches pour faire voler un tapis !… »

Ce qui fut réalisé par … des artistes.

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En 2001, Jem Finer et Ansuman Biswas firent voler un tapis en apesanteur, lors d’un vol parabolique organisé par Arts Catalyst dans l’Ilyushin-76 MDK, l’avion d’entraînement à la micro-gravité de la Cité des Etoiles en Russie.

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Plzen 2015 : ArtComTec seminars

2015, Plzen, in West Bohemia is European Capital of Culture.

In this context Natan Karczmar is organising, at the Ladislav Sutnar Faculty of Art and Design, ArtComTec, a series of e-seminars to follow live or caned on YouTube.

I shall be talking of the French Minitel as an art medium and of some memories and ideas related to « art and communication ».

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Salon de l’Astronautique de Plaisance, Halles de Schaerbeek, 19-21 juin 2015

En ce week end de solstice d’été à Paris, le Salon aéronautique du Bourget battait son plein avec son lot de démonstrations en vol et de négociations de contrats.

Pendant ce temps, aux Halles de Schaerbeek, à Bruxelles, se tenait le Salon de l’astronautique de plaisance, un programme artistique décoiffant au contenu duquel j’ai eu l’immense plaisir de contribuer avec le collectif Nunc.

 

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Christophe Galent, directeur des Halles, a imaginé un format de présentation tout à fait singulier : pendant trois jours plus de spectacles classiques et encore moins d’expositions en bon ordre mais des expériences artistiques proposées au public en continu, dans un parcours, sur le modèle du salon professionel. Cette année, la thématique en était donc le voyage et le séjour dans l’espace.

Disons-le tout net : j’aurais aimé avoir eu l’idée de ce dispositif ! Les expositions d’art spatial oscillent entre le sérieux (c’est vraiment de l’art) et le pédagogico-didactique (vulgarisation de la science par l’art), avec, de-ci delà, quelques incursions plus critiques.

L’inventivité du format de monstration et l’humour déployés par les Halles apportent une bouffée d’air frais dans ce contexte, servent la création, les artistes et les œuvres et permettent au public de conduire sa propre réflexion.

Programme complet des journées

Et une galerie de photos

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