Le Jikken Kôbô (Experimental Workshop / Atelier expérimental) est un collectif d’artistes japonais actif entre 1951 et 1957, comprenant des plasticiens (dont Katsuhiro Yamaguchi), des compositeurs (parmi eux Toru Takemitsu et Joji Yuasa), des photographes, un poète et critique de musique, un concepteur lumière, un graveur, un pianiste et un ingénieur.
Groupe interdisciplinaire, s’il inclut les nouvelles technologies et idées du début de la seconde moitié du 20e siècle, il vise moins à associer artistes et ingénieurs que les différentes disciplines artistiques. L’idée clé de Jikken Kôbô, outre la question de l’œuvre collaborative, est la notion d’expérimentation en art.
Jikken Kôbô est une des expériences les moins connues de l’histoire de l’art électronique-technologique (ou « numérique » pour utiliser le vocable en cours).
Pour Katsuhiro Yamaguchi, un de ses fondateurs, les principales raisons en sont que ses activités recouvraient des spectacles musicaux et théâtraux et qu’il était donc difficile de les discuter uniquement en terme d’art ; la seconde est qu’il mixait une approche constructiviste avec un intérêt pour les media et la technologie et la troisième que le style de chacun des membres était très différents et qu’il n’y avait donc pas d’identité formelle « Experimental Workshop » aisément reconnaissable ; enfin, nombre de ses activités étaient éphémères plutôt que des objets durables et il n’y a donc que peu de documentation sur le travail accompli (in catalogue « Experimental Workshop » publié à l’occasion de la 11ème exposition en hommage à Shuzo Takiguchi qui s’est tenue à la galerie Satani à Tokyo en 1991.)
Il convient donc de saluer à sa juste valeur la très jolie exposition organisée par Mélanie Mermod à Béton Salon.
Si je connaissais un peu les installations vidéo et les « vitrines » de Katsuhiro Yamaguchi (qui avait eu la gentillesse de faire la préface de la seconde édition du Guide International des Arts Electroniques en 1992), ainsi que certaines des œuvres des compositeurs, j’ai découvert l’intérêt du Jikken Kôbô pour le cinéma d’avant-garde et surtout « l’autoslide » un dispositif d’animation unique en son genre.
Le film Ginrin (16 mm, 12′, 1955) de Toshio Matsumoto avec la collaboration de Katsuhiro Yamaguchi et Toru Takemitsu est une ode au mouvement reposant sur les éléments d’une simple bicyclette. Oscillant entre le concret et l’abstrait, l’industriel (ou le machinique) et le paysage, Ginrin est un rêve hypnotique et un pur bonheur d’inventivité visuelle.
Les organisateurs de l’exposition présentent ainsi « l’autoslide » :
Le Jikken Kôbô présente en 1953 lors d’une soirée, un dispositif multimédia appelé ôto suraido (« autoslide », diaporama automatique) qu’ils seront a priori les premiers à utiliser au monde. Il s’agit d’un enregistreur à bandes magnétiques qui, grâce à un système de marquage collé directement sur la bande, permet de déclencher automatiquement un projecteur de diapositives et d’entendre simultanément un son préenregistré.
Ce ne sont pas les dispositifs qui sont exposés à Béton Salon, mais trois montages filmiques des narrations créées à l’époque, dont le délicieux Contes d’un monde inconnu (Another World, diapositives de Shôzô Kitadai, musique de Hiroyoshi Suzuki et Jôji Yuasa), qui raconte l’histoire d’une exploration spatiale, à ne manquer sous aucun prétexte.